jeudi 30 décembre 2010

NON, NON ET NON !

Non, non et non ! À l'utilisation de l'Arc de Triomphe comme panneau d'affichage. Au bénéfice de journalistes pris en otages comme de footballeurs. Et pourquoi pas, tant qu'on y est, le dôme des Invalides pour le prochain concert de Johnny Hallyday ?
En tout, il faut garder mesure. Ce genre d'escalade des monuments de l'histoire au bénéfice de qui que ce soit doit cesser. Alors, je ne sais pas si c'est à Monsieur le Ministre de la Culture qu'il faut s'adresser, mais, en tout cas, vous serez quelques-uns à connaître ma pensée.
Parce-que, voyez-vous, bien que j'ai beaucoup de compassion et de respect pour Hervé Ghesquière et Stéphane Taponnier et pour leurs familles, je dois avouer que tout ce déploiement de phrases, de gestes, de fastes, de plumes, de strass, d'artistes, de bénis-oui-oui et de cérémonies autour de leur enlèvement et de leur captivité, commence à m'agacer au-delà de ce qui est autorisé.
Et d'un, messieurs Ghesquière et Taponnier sont journalistes à la télé et je suppose, qu'à ce titre, ils ont été recrutés pour exercer un boulot plutôt bien payé, auquel ils ont été entraînés, et qui comporte un certain nombre de risques qu'ils connaissaient. Comme, par exemple, pour un pompier, de laisser un jour sa carcasse dans un brasier.
Et de deux, s'ils avaient voulu exercer peinardement leur métier, ils se seraient probablement contentés d'aller interviewer le Pape ou Laurent Ruquier. Sauf que les talk-shows dans la ouate, c'est moins bien payé que les reportages roquettes et barbelés.
Et de trois, si l'audimat n'avait pas été inventé, madame Lucet (ou tout autre), n'aurait jamais eu l'idée d'expédier deux collaborateurs au casse-pipe, car à ce stade de la marchandisation de l'actualité,
l'enlèvement est encore le moins pire qui pouvait leur arriver. Et ça, personne ne l'ignorait.
Et de quatre, nul, à l'évidence, n'a hésité à entraîner dans ce deal faisandé trois innocents auxiliaires afghans, dont j'aimerais qu'on nous montre la piètre fiche de paie, mais qui méritaient eux-aussi, l'autre soir, otage pour otage, d'avoir leur photo en aussi grand sur les Champs-Élysées.
Les beaux esprits et ceux-là même qui nous cachent une fois sur deux la vérité (cf. Mazarine, par exemple) vont encore me rétorquer : ils n'ont pris qu'un risque, celui d'informer ! Et alors, vous croyez que les français sont si cons qu'ils ignoreraient encore, en 2010, que l'Afghanistan sent le cadavre décomposé depuis des années. Que leurs soldats s'y font tirer comme des cervidés.
Que vont-elles leur apporter de plus, les photos que Ghesquière et Taponnier ramèneront peut-être un jour du Col de Salang, de Khost, de Taluquan ou du sommet du mont Noshag ? Peut-être un jour, en effet, car au fond de moi, je souhaite qu'on les revoit ces deux bonhommes : tout a une fin, vous savez, sauf le saucisson qui en a deux évidemment.
Mais une fois de plus, malgré ses caisses vides, la France va payer. NOUS allons payer. Comme nous avons déjà payé pour les autres qui ont précédé Ghesquière et Taponnier. Madame Aubenas en tête, journaliste elle aussi. Qui ne peut pas prétendre, la fofolle, qu'elle ne savait pas, non plus, ce qui l'attendait en Iraq. Dix millions de dollars qu'elle nous a coûtés la blonde ! Ça fait cher le papier !
Nous allons payer comme nous n'arrêtons pas de payer pour les skieurs hors-piste et pour les spéléos exaltés qui vont se faire piéger pour leur fun exclusif dans des avalanches programmées et des galeries dont le moins qu'on puisse attendre est qu'elles seront inondées. Et comme nous ne payons pas, en revanche, pour sauver d'autres vies humaines aux passages-à niveau non gardés où dans les caves glauques de nos cités, ou encore, sous les ponts de la Seine quand il vient à geler.
Alors, voyez-vous, les portraits géants de deux types grassement payés par une chaîne de télévision qui cherche à tirer la bourre à ses concurrentes, flottant au-dessus du tombeau du Soldat-Inconnu, je trouve ça parfaitement saumâtre et exagéré.
Sans compter qu'ils doivent bien rigoler sous la burka les talibans, de l'autre côté de la planète : plus ils seront nombreux à gesticuler, ces couillons de français, et plus on va pouvoir faire monter les enchères ! La loi de l'offre et de la demande, vous connaissez, non ?
Soyons clairs : à un moment donné, il faut savoir choisir ! Soit tu fais ton métier, tu es rémunéré, tu as une tous-risques chez Axa et tu fermes ta gueule, soit tu as opté pour défendre jusqu'au bout un idéal ou une cause que tu juges dignes de ton sacrifice, et là, je suis au regret de l'écrire, tu dois savoir te contenter de pain sec quand tu as loupé la porte du magasin de surgelés.
Si Ghesquière, Taponnier, madame Lucet et les autres avouaient l'intérêt qu'ils ont eu à se flanquer dans ce guêpier, alors, peut-être, pourrais-je respirer et regarder ma télé, et l'Arc de Triomphe tagué au laser avec plus d'indulgence et de sérénité.
Mais d'ores et déjà, si j'étais qui vous savez, j'aurais exigé la démission de l'état-major de la chaîne pour mise en danger de la vie des trois pauvres afghans, qui, eux, ne vont rien ramasser de sonnant à l'issue de ce commercial, déjà cent fois vécu et rejoué. Et celle de messieurs Ghesquière et Taponnier, tout simplement pour mise en danger de notre porte-monnaie.
Et puis, et puis, messieurs les politiques, si vous en avez tant besoin de la presse, pourquoi ne pas la payer de votre propre poche la rançon à verser pour récupérer ces petits va-t-en-guerre de la télé. Ce serait une bonne résolution pour commencer l'année.
J'en entends qui vont m'accuser de tenir un propos populiste ... je les renvois au vieil adage dont ils seraient bien inspirés de se souvenir parfois :  vox populi, vox Dei. Of course !

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