dimanche 23 janvier 2011

OMERTA

Mais qu'est-ce-qui t'arrive, ce matin, monsieur journaliste ? Quel déballage, mes aïeux ! C'est-y que tu as retrouvé la mémoire ? Ne me dis quand-même pas que ce serait Saint-Pimpaul et ses fadaises qui t'auraient miraculé ! Depuis 25 ans que tu la bouclais, dis, c'est pas vrai ? Tu savais tout ça sur les Trabelsi, en Tunisie, et tu le gardais pour toi !
Comme tu as dû être malheureux. mon pauvre chéri ! Tiens, je me retiendrais pas que je te donnerais l'assistance psychologique, vu que ça doit être vachement atroce pour le mental de mentir par omission pendant si longtemps. Faut croire que ton omerta professionnelle, elle donne pas des coliques, quand-même !
Ah, comment dis-tu, tu faisais que passer les vacances à Hammamet ! Je vois, for swimming and water sports, toi aussi ... et tu avais oublié le Nikon â Paris !
Tu serais pas un peu renégat, des fois ? Et t'as pas l'impression que tu te serais assis sur ton code de déontologie ? Qu'en plus, il doit faire mal, le code, quand il pénètre ! Tu crois pas que ton trou de balle, lui aussi, il aurait besoin de l'assistance psychologique pour grands traumatisés. Comment dis-tu ... ah ! il a l'habitude !
Des habitudes comme ça, quand-même, on en a pas mal, en France. Des pas bonnes. Mais, alors, pas bonnes du tout. Je le faisais remarquer à madame Leborgne de la boutique des lunettes Hallyday, où c'est que je vais prendre un verre correctif, de temps en temps, pour le prix de deux. Je connais ses marges !
Des habitudes comme quoi, par exemple, quand un sale type a enlevé une jeune-fille pour la violer et la tuer on met ça sur le compte qu'il aurait perdu ses repères et qu'il aurait été en grande souffrance, le pauvre. Et la fille, dîtes, madame Leborgne, elle, elle se serait régalée ? Et les dix fois qu'il est passé à l'acte, avant, le salopard, ça compte pour du beurre, alors ?
On intoxique le monde, à force d'y faire croire qu'un monstre il vivrait mal sa vie de monstre. Froid. Non, madame Leborgne, un monstre froid il est parfaitement à l'aise dans sa peau de monstre froid. La même chose que le type que tu te casses le bol a y créer des foyers d'accueil et qui refuse d'y aller quand il te pète un moins vingt au thermomètre de la fenêtre. Il est à l'aise dans sa peau de mec qui se gèle les couilles et il a pas envie que tu lui tendes un Thermolactyl. Bon, c'est vrai qu'il a le carafon un peu fêlé, mais s'il fallait prendre en charge tous ceux qui ont le carafon fêlé, je vous demande bien où on irait !
Et qu'on vienne surtout pas me raconter maintenant qu'elle était en grande souffrance et qu'elle avait perdu ses repères, la Trabelsi, quand elle se goinfrait ! Des repères, elle en avait même de trop, et des entrepôts et des cavernes et des banques où elle entassait le magot !
Sauf que monsieur journaliste, il connaissait les montants et les adresses et qu'il a pas moufté. Pendant 25 ans !
Pour sûr, que dans l'intervalle, ça y a laissé le temps de compter combien de verres il sifflait chaque matin le mari de Carouline de Bamako, de chercher à percer le mystère Mylène Farmer ou encore d'aller compter les staphylocoques dorés de l'idole des jaunes. (Tiens, je vais la vendre à Pernod-Ricard, celle-là). Les grands reportages, qu'on appelle. Que sans eux, tu pourrais pas te lever le matin, sans doute.
Alors, j'y ai rappelé, à madame Leborgne, heureusement qu'on a eu dans l'histoire des types qui en avait du courage dans le stylo. Comme Émile Zola.
Et c'est là qu'elle m'a dit : maintenant que vous en parlez, madame Lulu, j'en connais un de Zola ... Gorgon. Dîtes, c'est pas des italiens, ces gens-là ?
Entre monsieur journaliste et madame Leborgne, vous trouvez-pas qu'il a de beaux jours devant lui, notre pays ?

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